LUC

MMM Cénacle Rome                       8 septembre 2019

…Laissons résonner en nous et entre nous la convocation à être des veilleurs, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui ont le souci de l’aube, le souci de la traversée nocturne vers le jour, le souci de la flamme de pure lumière qui est allumée en chaque être humain et en chaque peuple, malgré les obscurités…(Expo photos 2014)

Dans le sillage de Luc …

Après plusieurs mois de souffrances, après avoir fait, en pleine conscience, le choix des soins palliatifs où il a trouvé la paix, Luc Lysy, doyen de Charleroi, nous a quittés. Il laisse un vide, il laisse surtout une trace.

Luc était né en 1955 à Warneton (Comines), l’autre bout du Hainaut. Ordonné prêtre en 1979, il a vécu tout son ministère au pays de Charleroi : Fontaine-l’Evêque, Courcelles, Jumet et, depuis une quinzaine d’années, à Charleroi même comme doyen pour toute la région. Il avait de tout son cœur et de tout son être adopté la ville et le pays de Charleroi.

Témoin entre autres, cette longue démarche de rencontre et d’échange en profondeur avec les acteurs et actrices de différents mondes (enseignement, santé, politique, culture, économie …) et de multiples associations. Elle a conduit à une très large assemblée en 2011 à propos de la façon dont se vivait, à Charleroi, l’estime de soi. Question qui se pose, là en particulier, avec acuité.

Luc savait saisir avec finesse et pertinence les grands enjeux à la fois de la vie sociale et de la vie ecclésiale sans jamais les séparer. Et cette attention l’ouvrait à une véritable vision prophétique de la réalité. J’ai rencontré peu de personnes qui proposaient une telle vision à la fois profonde, large et longue.

L’appel du pape François à ‘sortir’ trouvait chez lui plus qu’un écho. A ses yeux, les expériences de rencontre et d’écoute affermissaient « la conviction que les communautés chrétiennes ne vivront que si, dès maintenant nous ‘sortons’ et si nous fondons les renouvellements sur cette ‘sortie’ – et non l’inverse : d’abord fonder entre nous et puis ‘sortir’. Il est vraiment bon que nous nous rendions présents aux chemins d’humanité où tant de nos contemporains cherchent, se dépensent, inventent, attendent un compagnonnage, errent aussi ou se perdent… Il y a, je crois, dans la mystérieuse réalité de l’Eglise et des communautés chrétiennes, quelque chose comme une sève de renouvellement propre à notre foi et qui va bien à notre humanité. »[1]

Une amie commune qui, comme moi, a beaucoup collaboré avec Luc le caractérisait ainsi : humanité, humilité, conviction. Humanité. Il se sentait concerné et ne cessait de chercher à comprendre comme artiste qu’il était, comme grand lecteur dans tous les domaines, comme homme de relations et d’échanges, ce qui fait vivre les humains. Humilité, une vertu qui ne fait qu’un avec une véritable humanité. Il menait une vie simple dont il maîtrisait mal les aspects pratiques. Il n’a jamais cherché les honneurs et les titres, il les fuyait plutôt. Ses convictions qui s’enracinaient dans l’Évangile du Christ, Luc savait les exprimer posément dans ses remarquables homélies par exemple, mais aussi avec audace et sans peur lorsque cela s’imposait.

Dans sa vie personnelle comme dans ce qu’il initiait comme pasteur, il a fait beaucoup de place à l’écoute de la Parole qui se donne en particulier dans les Ecritures. Il en parlait ainsi : « Les chrétiens assurent chez nous depuis des siècles une présence qui, ni groupe de pression ni cellule d’action, s’apparente à la présence d’un corps, faite de parole et de silence, de gestes et de signes, de doigté, de regard et de parfum… avec, bien sûr, des lourdeurs, des maladresses, des odeurs indésirables… ! Qu’est-ce qui a maintenu l’Église dans cette présence au fil du temps et malgré ses côtés fragiles ou malvenus ? Ce n’est ni la défense à tout prix de valeurs inchangées, ni le maintien obstiné de traditions et de pratiques immuables, ni l’affirmation répétée de vérités éternelles… Toutes choses qui ne peuvent qu’accentuer les rides et entraîner l’essoufflement mortel. C’est la Parole ! Parole qui n’est pas qu’un livre – la Bible. Parole qui est Quelqu’un, nous le croyons. Parole de Dieu, nous l’appelons telle. Parole dont la Bible est en quelque sorte le corps d’écritures. Pour l’Église, la Parole n’est pas sa référence, elle est le lieu de sa naissance continuelle. »[2]

Que la rencontre de Celui qui est la Parole soit naissance pour Luc.

Paul Scolas

[1] D’une brochure pastorale, « Allons ailleurs », destinée à donner sens à la démarche de Refondation proposée par le diocèse.

[2] Avant-propos d’une plaquette sur l’évangile de Marc, éditée par Les ateliers de la Parole, région pastorale de Charleroi, 2009.

 

Luc LYSY et le Mouvement pour un Monde Meilleur (Pascal ROGER)

Le Mouvement pour un Monde Meilleur en Belgique francophone s’est implanté tout au début des années 1980. Luc Lysy, vicaire de paroisse, en découvre l’existence très tôt grâce au doyen de Fontaine l’Evêque à l’époque, Hubert Mottoul, séduit par le projet de renouveau paroissial. Le jeune prêtre se sentira très rapidement en connivence avec les intuitions fondamentales du Mouvement et s’investira tout particulièrement dans la dynamique suscitée auprès de la jeunesse. Rapidement invité à intégrer le groupe porteur wallon, il va être appelé à accompagner, dans leur expérience de renouveau, d’autres paroisses en Belgique francophone.

Ce groupe international d’animation présent sur les cinq continents et dans une cinquantaine de pays est né de l’intuition de Riccardo Lombardi, jésuite italien, dans l’effervescence de l’après-guerre. Il n’a pas d’abord la prétention d‘augmenter le nombre de ses membres mais de ‘créer mouvement’, de susciter des dynamiques de renouveau en profondeur tant de l’Église que de la société.

Luc en sera de plus en plus une cheville ouvrière incontournable en Belgique et au niveau international. À Rome, avec d’autres, il rédigera de nombreuses brochures de spiritualité traduites en plusieurs langues. Dans plusieurs pays, il animera nombre de sessions, conférences, retraites, rencontres d’expériences et ce, jusqu’à septembre dernier.

Brillant intellectuel et grand spirituel, lecteur infatigable et homme de terrain, prêtre de l’Église et esprit universel, Luc ne cessera de se passionner pour l’humanité dans toute sa largeur et toute sa profondeur. Ces quelques mots qu’il a prononcés lors du vernissage d’une exposition de photos organisée par le Mouvement sont éloquents :

 « ‘Où êtes-vous, hommes et femmes du XXI° siècle ?’ C’est la question des veilleurs, posée non pour la sécurité, mais par la Haute Tendresse qui seule nous donne d’être vraiment humains.

Laissons résonner en nous et entre nous la convocation à être des veilleurs, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui ont le souci de l’aube, le souci de la traversée nocturne vers le jour, le souci de la flamme de pure lumière qui est allumée en chaque être humain et en chaque peuple, malgré les obscurités.

Car l’homme est plus grand que ce qu’il pense… même si cela ne doit jamais être érigé en certitude arrogante, mais rester plutôt dans l’émerveillement et l’interrogation toujours revisitée. Comme dit le psalmiste : « Qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce que l’homme pour que tu en prennes souci et que tu aies pour lui dilection, prédilection ?’ » (printemps 2014)

Luc laisse un bel héritage au Mouvement pour un Monde Meilleur qu’il a contribué à enraciner davantage dans sa vocation profonde au service de l’Humain aujourd’hui.

 

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